Le Château d’Ilbarritz
Crédit Photo : AdobeStock / claudebencimon / Château d'Ilbarritz
Quand on longe la côte entre Biarritz et Bidart, un bâtiment capte inévitablement l’attention. Du haut de sa colline, planté face à l’océan, le Château d’Ilbarritz se dresse avec une allure presque fantomatique. Chargé d’histoires et de secrets, ce lieu hors normes a vu le jour entre 1894 et 1907 grâce à un homme tout aussi singulier : le baron Albert de l’Espée.
Au fil de cet article, vous constaterez que le château, à l’instar de son fondateur, se distingue par son originalité et son extravagance.
L’orgue du baron : un colosse musical abandonné
Passionné de musique, le baron ne fit pas les choses à moitié. Là où d’autres se contentent d’un piano, lui commande un orgue monumental, le plus grand jamais construit pour un particulier. À l’époque, seuls ceux de Saint-Sulpice et de Notre-Dame à Paris le surpassent.
La construction durera plus de dix ans. Mais contre toute attente, une fois l’instrument installé, le baron vend le château… sans jamais en jouer. L’orgue sera démonté puis installé au Sacré-Cœur de Montmartre, où il résonne encore aujourd’hui.
Des cuisines à distance, devenues bar emblématique
Le baron avait un sérieux problème avec les odeurs de cuisine. Sa solution ? Construire les cuisines à 200 mètres du château, reliées par un souterrain. Résultat : un bâtiment totalement indépendant, aujourd’hui reconverti en l’un des lieux les plus connus de la vie nocturne basque – le Blue Cargo. Quant au souterrain, il a été comblé depuis longtemps.
Deux piscines d’eau de mer à l’intérieur
Toujours dans l’idée de vivre dans un confort absolu, le château accueillait deux vastes piscines intérieures, chauffées, et alimentées directement par l’océan. L’eau était puisée en contrebas, filtrée, remontée par des canalisations en fonte, puis chauffée à la vapeur. Un luxe rare, même pour l’époque.
Une centrale électrique privée
Souhaitant être en avance sur son temps, le baron fit installer sa propre centrale hydroélectrique. Il devient ainsi le premier particulier de la région à bénéficier de l’électricité dans sa résidence. Un privilège qui lui permettait de vivre dans un confort moderne, isolé mais autonome.
La villa des Sables : entre amour et contrôle
Le baron voulait garder sa maîtresse, Biana Duhamel, près de lui, mais sans partager son quotidien. Il lui fit construire une villa à l’entrée du domaine, la villa des Sables. Le mode de communication instauré était original. Lorsqu’il souhaitait la voir, il hissait un drapeau en haut du château, et elle venait.
Mais Biana finit par se lasser de cette vie cloîtrée. Dès 1898, elle tente plusieurs fois de s’échapper pour retrouver l’animation de Biarritz. Le baron, furieux, fait installer un puissant projecteur sur le belvédère pour surveiller la villa. Un soir, son faisceau aurait même provoqué un accident de voiture impliquant la reine de Serbie. Au final, Biana quittera le domaine pour de bon.
Abandon, pillages, et tentative de renaissance
Malgré son inscription au titre des monuments historiques, le château connaîtra une longue période d’abandon après la Seconde Guerre mondiale. Ouvert à tous vents, il est peu à peu vidé de ses richesses : marbres rares, boiseries sculptées, bronzes, jusqu’aux carrelages des terrasses.
Une tentative de restauration dans les années 1950 mènera son propriétaire à la faillite. Il faut attendre 2002 pour qu’un projet sérieux de réhabilitation voie le jour. Mais la structure est fragilisée, et la configuration très particulière du bâtiment rend sa reconversion difficile.
Depuis 2008, le château est à nouveau habité et surveillé. Même si sa silhouette intrigue, le Château d’Ilbarritz retrouve peu à peu sa place sur la côte basque. Et continue, imperturbable, de nourrir les légendes.